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Michel Houellebecq, la tristesse séductrice

Je tourne la dernière page, je ferme Sérotonine de Michel Houellebecq et je garde la même sensation que j’avais eu avec les deux précédents : ça fait du mal, mais est-ce que je peux avoir encore un peu plus, s’il vous plaît ?

Après La Carte et le Territoire (prix Goncourt 2010) et Soumission, Houellebecq revient encore sur les mêmes sujets : la solitude et la détresse de l’homme contemporain.

Oui, il revient sur les mêmes thèmes, mais non, on ne se lasse pas : d’un côté il y a sa capacité pour cristalliser l’esprit du temps, et de l’autre, son écriture déchirante mais enrobée d’une certaine légèreté sexy. L’ensemble fait de ces bouquins quelque chose de très captivante. C’est dérangeant, ça te secousse, mais il y a une partie de toi qui demande plus.

Cette double face demeure fascinante : sous un récit léger, superficiel, nonchalant, comme si de rien s’y était… se trouve une couche qui vient toucher là où ça pique. Il est profondément incisif, mais sous une allure badine. Et au moment où tu te rends compte de l’astuce, c’est déjà trop tard, tu as déjà avalé la pilule. Poing de fer dans un gant de soie.

Houellebecq prend ce protagoniste, un ingénieur agronome de 46 ans habitant à Paris, et nous dessine les maux qui accablent notre société urbaine moderne. Sa dépression, son sentiment d’abandon, ce point mort auquel est arrivé sa vie (qui suis-je, qu’est-ce que je fous là au bout du compte…). Tout ça à coup de Captorix, un médicament fictif qui génère de la sérotonine mais qui aussi (comme la soma de Le Meilleur des Mondes de Huxley) a un effet étourdissant qui provoque une lente coupure des liens émotionnels avec l’extérieur.

Une excuse pour nous parler du déclin de la société occidental, de nos esprits fanés, des pourritures internes en contraste avec nos façades immaculées.  

Une France en recul, incapable ni de se sentir bien avec son passé (représenté par le monde rural et leur désespoir social) ni de conduire son avenir.

Mais il y a quelque chose d’intensément séducteur dans sa prose. Houellebecq a une énorme capacité pour capter l’esprit du temps, pour cristalliser un monde, une époque.

Mais il le fait avec un récit parsemé d’humour aigre et des affirmations provocantes sur des questions accessoires. Ces détails de notre quotidienneté, apparemment sans importance, mais qui permettent à l’auteur de gagner en représentation de la réalité et qui en même temps donnent à ses histoires cette légèreté sexy dont on parlait tout à l’heure.

Ironique, mordant, aussi cynique que le monde qui est autour de nous finalement.

Les remords, les regrets, la solitude de l’homme contemporain. La tristesse, cette tristesse profonde et irrationnelle, qui pollue tout ce qui est autour. La solitude, lourde et irrépressible. La décadence de notre société.

Et pourtant, tous ces éléments sombres sont bien vêtus d’un style qui réveille en nous une certaine attraction vers l’abîme. C’est la tristesse séductrice d’Houellebecq.

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